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 Le Renard et les Raisins par Jean de La Fontaine

    Le Renard et les Raisins est une fable résolument atypique. Premièrement, avec ses huit vers, elle est extrêmement courte. La Fontaine s’est inspirée, il est vrai, d’une fable tout aussi courte d’Ésope (également reprise en latin par Phèdre). Deuxièmement, il n’y a qu’un personnage, si bien que le conflit, toujours présent chez La Fontaine, devient intérieur. Troisièmement, l’unique protagoniste n’est plus le “vieux renard” auquel La Fontaine nous avais habitué, c’est-à-dire le courtisan habile et machiavélique des Animaux malades de la Peste, ou le rusé compère campé dans le Corbeau et le Renard. L’auteur nous en averti d’ailleurs, d’entrée de jeu, en disant qu’il pourrait être Gascon, soit un peu vaniteux et superficiel, ou Normand, c’est-à-dire indécis. Et de toute façon, il meurt de faim, non seulement ça ! mais il repart le ventre vide, un sort qu'un plus malin, sinon plus modeste, aurait sans doute évité. De plus, pour conclure, la morale de la fable n’en est pas une. Ce n’est par la phrase habituelle de La Fontaine qui se plaît à souligner que le sort aime à se retourner, comme “Tel est pris qui croyait prendre” dans le Rat et l'Huître, afin de mettre en garde. “Ne fit-il pas mieux que de se plaindre” n’est qu’une interrogation hésitante à laquelle on pourrait aisément réponde par “non”.

    Dans cette fable vraiment particulière, La Fontaine fait l’éloge de la subjectivité en tant que “technique vitale”, pour parler comme Freud. C’est d’autant plus étonnant que c’est cette même subjectivité que le poète décrit  habituellement comme abjecte quand elle sert de justification à la crapulerie et à la cruauté, ainsi qu’on le voit par exemple dans le Loup et l’Agneau. Ici le renard, réduit à ses propres ressources, n’arrive qu’à sauver son amour-propre, plutôt bêtement puisque les raisins vermeils deviennent “trop verts" et que les goujats sont appelés en repoussoir. Donc la conclusion est un faux compliment, car si sa subjectivité arrive bien, de justesse, à lui sauver la mise, personne n’a envie de lui ressembler.

 Le Renard et les Raisins par Jean de La Fontaine
 Le Renard et les Raisins par Jean de La Fontaine
 Le Renard et les Raisins par Jean de La Fontaine
Aquarelle de Gustave Moreau

Aquarelle de Gustave Moreau

Tag(s) : #Fable
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