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Le Loup et l'Agneau est une des fables les plus célèbres de La Fontaine, comme un certain nombre de celles que nous avons déjà présentées, et en particulier “Les animaux malades de la Peste” dont le sujet est analogue : “la maladie du pouvoir”. La violence est aussi effrayante dans les deux récits, simplement c’est une violence sociale dans un cas et une violence individuelle, presque délinquante, dans le Loup et l’Agneau, que Gide dans son journal (1939-1949) qualifiait de merveille “pas un mot de trop ; pas un trait, pas un des propos du dialogue, qui ne soit révélateur.” Le poète lui-même fera allusion à sa technique narrative dans cette fable intitulée : Contre ceux qui ont le Goût difficile “J'ai fait parler le loup et répondre l'agneau” et encore dans cette autre : Le Bûcheron et Mercure, “Je tâche d'y tourner le vice en ridicule.” Aujourd’hui ce texte toujours d’actualité inspire les musiciens comme le montre la composition de Nigel Keay.
Sur l’art du poète... Malgré son surnom de « bonhomme » à cause de sa nonchalance, La Fontaine était un observateur impitoyable de la société Ainsi, le fabuleux fabuliste, a créé une œuvre tout à fait originale en s’inspirant de son aîné de 2000 ans, Ésope, un esclave affranchi, bègue et bossu, et même une sorte d’aventurier, qui aurait été le premier à rédiger des fables jusque là transmises oralement. La Fontaine s'est donc emparé de ces courts récits pour en faire des merveilles de la littérature. À l'époque il était tout à fait admis de s'inspirer d’autres auteurs. Par son talent, son humour et sa finesse, La Fontaine a enrichi ces modèles antiques avec des dialogues et parfois des personnages supplémentaires, jusqu’à les rendre extrêmement vivants et originaux, il s’en est d’ailleurs expliqué : « ces Fables étant sues de tout le monde, je ne ferais rien si je ne les rendais nouvelles par quelques traits qui en relevassent le goût. » On peut donc juger du résultat en comparant sa fable à l’original d’Ésope... L’idée est bien la même, tout est dans la manière !
Dans le Loup et l’Agneau La Fontaine narre une rencontre à l'issue prévisible, entre un loup fourbe qui n’est jamais à court d’argument, allant même jusqu’à se poser en victime, et un agneau désarmé qui tente de s’expliquer mais sans implorer la pitié. Ici le poète place la conclusion en tête de son récit, avec une formule de morale paradoxale qui, en fait, veut dénoncer l’absence de toute morale dans un monde infernal. Ainsi, La Fontaine supprime tout suspense pour nous ramener brutalement à la loi de la nature où les loups mangent les agneaux. Tout est joué d'avance dans ce « procès » mais on voit que le loup y déploie une rhétorique tout humaine pour éviter que sa violence apparaisse sans fard, dénuée de toute justification. Cela nous rappelle qu’il existe encore pire ! Le loup humain intégral, qui ne veut, ou ne peut, chercher de justification et fera de la terrible formule de La Fontaine un principe de vie, avec un petit sourire.
La troisième image où le loup est représenté en juge est extrait de la "Série judiciaire de Cassou".