Le Rescapé de l'Enfer – Frédéric d'Artois

Le daïmyo était aux anges d’avoir enfin maté la révolte qui avait semé le trouble pendant trop longtemps dans ses domaines et il ordonna de grandes réjouissances pour le soir tandis qu’aux rebelles capturés, qui se tenaient ligotés devant lui, il annonça qu’ils souperaient dès ce soir en enfer. Laissant ses aides préparer l’exécution et le banquet qui lui ferait suite, il sortit faire une promenade dans le bois attenant pour humer les senteurs du soir, rempli de satisfaction à l'idée qu'il allait être enfin débarrassé de ces trouble-fête. Quelle ne fut pas sa surprise, alors qu’il croyait son domaine soigneusement gardé, de se trouver, enveloppé dans la nuit tombante, face à un inconnu tout de noir vêtu. « D’où sors-tu, toi qui semble venir directement de l’enfer ? Lui lança-t-il, intrigué autant qu’agacé. – Mais c’est bien de là que je viens, lui répondit l’étrange personnage. – Ah vraiment ! on peut donc échapper à l’enfer ? – Avec une bonne raison c’est possible, en prenant le temps à rebours. – Assez de sornettes ! lança le daïmyo en tirant son sabre, si c’est de là que tu viens, tu vas vite y retourner. » Mais, bien qu’il fut un maître du sabre il n’arrivait pas à toucher l’homme en noir. Le rescapé de l’enfer esquivait toutes les attaques avec une aisance diabolique, comme s’il connaissait l’avenir. « Ah démon ! s’exclama le gentilhomme exaspéré, j’en appelle aux dieux... » Et comme, la lame de son sabre semblait enfin toucher la troublante apparition qui, à ces mots n’avait plus bougé, elle s’évanouit dans la nuit naissante. En retrouvant peu à peu son calme, le daïmyo se demanda s’il n’avait pas rêvé. « Non ! se dit-il finalement, je n’aurais pas pu faire un rêve pareil. » Songeur, il s’en retourna à son manoir. Une fois arrivé, il ordonna de libérer les prisonniers, décommanda les festivités et alla dîner d’un simple bol de riz, en méditant face au jardin dans le calme retrouvé.