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Urabe Kenkô le Montaigne japonais – Michel de Montaigne – André Derville s.j. Le Dictionnaire de la Spiritualité – François de La Rochefoucauld – Jean de La Bruyère

Urabe Kenkô le Montaigne japonais – Michel de Montaigne – André Derville s.j. Le Dictionnaire de la Spiritualité – François de La Rochefoucauld – Jean de La Bruyère

 Extrait de la préface

Le talent est digne de tous les éloges : élégance et jolie sonorité de la diction ; habileté en musique instrumentale et vocale. Il est aussi recommandé de savoir boire « en feignant une excuse devant la coupe imposée, sans être pour autant petit buveur ». Autant l'ivrogne inspire le dégoût, autant on peut goûter le charme d'une société distinguée où une main gracieuse remplit les coupes. Kenkô aurait souscrit à la maxime de La Rochefoucauld qui interdit à « l'honnête homme de se piquer de rien ». A ce propos, lorsque, dans le fragment, Kenkô  décrit, à la suite d'un palefrenier, les sept raisons qu'il pourrait avoir d'être content de soi, il est bien clair qu'il s'amuse et que son ironie s'exerce aussi bien sur soi-même que sur les autres... En de nombreux passages, il condamne l'érudition pour l'érudition et l'attitude savante. Il est préférable, selon lui, d'affecter l'ignorance, ce qui n'empêche pas de répondre aux questions posées en toute clarté, en toute simplicité, en toute sincérité aussi. Il convient à tout prix d'éviter la vulgarité et la prolixité des hommes ordinaires ; les prétentieux, si souvent ignorants, doivent être éliminés. Sans se mêler des disputes, l'homme de qualité, toujours courtois, se gardera de toute crainte et de toute flatterie. Cette crainte et ces flatteries ne sont point une honte « infligée par autrui, mais celle que, poussé par la convoitise de son cœur, on s'inflige à soi-même ». Cependant, il faut n'affliger personne et surtout ne pas faire de peine au bas peuple, car le cœur est plus sensible que le corps ; il convient d'éviter les brimades pour le nouveau venu, ignorant des propos à la mode ; il faut savoir aussi qu'un bon mot prononcé par jeu peut faire naître des rancœurs persistantes. Rappelons ici que La Bruyère, citant Pascal sur les diseurs de bons mots, demande une peine infamante pour ceux qui nuisent à la réputation ou à la fortune des autres « plutôt que de perdre un bon mot ». Kenkô  donne encore des exemples de l'aigreur de ceux qui jugent un art qui leur est étranger, comme La Bruyère qui écrira : « Il est ordinaire et comme naturel de juger du travail d'autrui seulement par rapport à celui qui nous occupe ». Enfin, l'hospitalité sans artifice et sincère est préférable à toutes les réceptions protocolaires parce qu'elle permet de véritables contacts humains. Elle permet aussi de faire plaisir avec délicatesse à l'occasion d'un cadeau.

Mme Tomiko Yoshida, MM. Chazelle et Grobois

L'érémitisme dans tous ses états

L'érémitisme dans tous ses états

Extraits des Heures oisives

LVIII

   L’homme qui, une fois engagé sur la Sainte Voie, a conçu le dégoût du monde, éprouvât-il même des désirs, n'a rien de commun avec les puissants gorgés de concupiscences. Que peuvent coûter une couverture de papier, une robe de lin, la nourriture qui garnit le bol à aumônes, une soupe d'herbe ? Ces besoins coûtent peu de chose à la charité ; ils sont faciles à obtenir et le cœur sera vite satisfait. La pudeur même de son apparence extérieure, quoi qu'on en dise, ne peut que multiplier les occasions de s'éloigner du mal et de se rapprocher du bien. Pour faire valoir sa condition d'homme, il est bon de fuir le monde à tout prix. Car si l'on ne s'efforce qu'en convoitises et qu'on ne suive pas la Vraie Voie, en quoi se distingue-t-on de l'ensemble des animaux ?

XCI

    Ce qu'on appelle les jours néfastes de Shakuzetsu (Le gardien de la porte de l’Ouest du dieu de la planète Jupiter dont on disait qu’il tourmentait les hommes cinq fois par mois) ne sont pas mentionné dans la science des devins. Les hommes d’autrefois ne les craignaient point.
    De nos jours, après que je ne sais qui en ait lancé l'idée et on a commencé à éviter ces fameux jours pour diverses raisons : “Ce qu'on fait un de ces jours-là, dit-on, ne dure jamais longtemps et se brise prématurément” ou bien “Ce qu'on a dit ou tenté ces jours-là ne s'accomplit jamais. Ce qu'on a gagné sera perdu ; aucune entreprise ne réussira.” Histoires insensés ! Si l'on compte, parmi les travaux inaugurés aux jours fastes et bien choisis, le nombre de ceux qui échouent sans atteindre le but, on en trouverait une proportion égale.
    C'est parce que dans ce monde, qui n'est qu'instabilité et inconstance, l'objet auquel on croit n'existe pas en réalité et les choses qui commencent n'ont jamais de fin que les projets ne seront pas accomplis, que les v
œux ne seront pas exaucés... Le cœur de l'homme est inconstant. Tout n'est que vision illusoire. Qu'est-ce qui perdure, ne serait-ce qu'un instant ? Ce sont là des vérités méconnues. Il est dit : “Commettre une mauvaise action un jour faste est toujours néfaste. Faire une bonne action en un jour néfaste est toujours faste. Le bon et le mauvais sort dépendent de l'homme et non pas du jour (cf. Les anecdotes historiques de Cheu Wenn Iei Tsiu).

CLXXXIX

    Aujourd’hui, je voulais régler telle affaire mais j’ai passé la journée à une autre, urgente et inopinée. Celui que j’attendais a été empêché ; celui sur qui je ne comptais pas est venu. L’opération dont j’escomptais la réussite a échoué ; c’est dans un autre domaine que, sans m’y attendre, j’ai réussi. Ce qui me faisait le plus peur était toute simplicité et ce que je croyais facile était fertile en ennuis.
    Ce que je vois se dérouler, jour après jour, ne ressemble en rien à ce que j’avais imaginé. Ainsi passe une année, ainsi passe une vie.
    Toute attente semble être trahie, à tous les coups. Il y a pourtant des exceptions qui détruisent en moi toute certitude. Seule la croyance en l’inconstance fondamentale des choses paraît fondée sur une vérité qui ne trahit pas.

CCXI

    Ne vous fiez à rien. Les sots, accordant à tout une confiance totale, ne trouvent que rancœur et colère.
    Évitez de vous lier à quelqu’un pour sa puissance : les forts sont les premiers détruits.
    Évitez de vous lier à quelqu’un pour sa richesse : les trésors sont perdus en un instant.
    Évitez de vous lier à quelqu’un pour son esprit : Confucius était méconnu de son temps.
    Il ne faut pas compter sur quelqu’un pour sa vertu. Gankai (disciple favori de Confucius)  était malheureux.
    Il ne faut pas compter sur les faveurs de votre maître : vous subirez vite ses violences.
    Il ne faut pas compter sur ses serviteurs pour leur obéissance : ils vous abandonneront et vous trahiront.
    Il ne faut pas compter sur la bonté des hommes : leurs avis ne sont jamais stables.
    Il ne faut pas compter sur les promesses : il est rare qu’on tienne parole.
    N’accordez votre confiance ni à vous-même ni aux autres : vous serez content quand tout ira bien et vous vous plaindrez quand tout ira mal.
    Quand on se donne du champ, au bout de ses mains, sur la droite et sur la gauche, aucun obstacle pour vous arrêter !
    Quand on dispose d’un large espace en avant et en arrière, rien pour vous bloquer !
    Par contre si l’on est étroitement entouré ce sera l’étouffement et la destruction.
    Lorsque l’activité de l’esprit est soumise à une contrainte ou à une censure rigide, il n’y a plus que chocs, querelles et ruine.
    L’homme tolérant et souple ne cours aucun risque, pas même d’un cheveu.
    L’homme est l’âme de l’univers et l’univers est infini. N’est-il pas vrai que la nature de l’homme ne se différencie pas de celle de l’univers ?
    Que l’homme garde en son âme générosité et liberté, et il ne sera troublé ni par les joies ni par les colères ; il supprimera à jamais le poids des choses.

extrait de Notes de ma Cabane de Moine par Kamo no Chômei

    Les puissant sont avides de gain, les humbles isolés sont méprisés. Ceux qui possèdent beaucoup doivent craindre beaucoup. Ceux qui sont dépourvus doivent souffrir beaucoup. Si l’on doit recourir aux autres on devient leur esclave ; si l’on s’occupe des autres on est victime de l’amour qu’on leur porte ; si l’on se conforme aux usages on ne peut qu’en souffrir ; si l’on n’en tient pas compte on a passe pour un fou. Où faudrait-il s’installer, que faudrait-il faire pour être un peu tranquille et pour goûter, ne serait-ce qu’un instant, le contentement du cœur ?

 

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