Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

S.E.M. Nikolaus Meyer-Landrut – Les conférenciers de la table ronde

S.E.M. Nikolaus Meyer-Landrut – Les conférenciers de la table ronde

Lancée en 1517, par Martin Luther, un moine l'ordre de Saint-Augustin, qui le 31 octobre de cette année-là entra en conflit ouvert avec l’Église et rédige les 95 thèses de Wittemberg condamnant violemment le commerce des indulgences pratiqué par l’Église catholique. Il s'insurgea aussi contre les dogmes tels que celui du Purgatoire. Le mouvement s’amplifia avec notamment Jean Calvin, un étudiant en droit de la Sorbonne qui vers 1530 s’éleva contre les persécutions en France de ceux qu'on appellera plus tard les protestants, et, réfugié en Suisse, publia en 1536 les premiers chapitres de son œuvre maîtresse : De Institutione religionis christianaee.

La Réforme avait bien évidemment aussi une dimension politique. C'était un moyen pour les princes d'affirmer leur indépendance en récupérant le pouvoir spirituel (et temporel) de la papauté ou, à l’inverse, pour les peuples de se révolter face à des souverains mal acceptés, comme en Écosse et aux Pays-Bas espagnols. La Réforme se traduit donc, dès le début, par de nombreux conflits et des guerres civiles, la dernière en date étant celle d’Irlande du Nord.

Après la présentation de Mme Deussen, la directrice qui, pour résumer la situation, nous a dit que “Luther aurait été surpris des conséquences” vint le mot de bienvenue, fort instructif, de S.E.M. Nikolaus Meyer-Landrut, l’ambassadeur d’Allemagne. Il nous a précisé que la Réforme a ouvert une ère de changements inédite, qui se prolonge jusqu’à aujourd’hui, car elle est loin d’avoir épuisé son potentiel, et qui, basée sur la notion fondamentale de responsabilité personnelle, a eu en Allemagne une influence sur tous les domaines de la vie sociale : l’art, l’éducation, etc (comme on pourrait peut-être en dire autant du catholicisme en France). Ensuite, s’agissant du récent et très touffu discours du Président de la République à l’occasion du 500ème anniversaire de la Réforme, par un raccourci saisissant, il a établi un lien subtil avec la célèbre phrase d’Henri IV (qui évitait ainsi la guerre) : “Paris vaut bien une messe”. En conclusion, il nous révèle, qu’à la surprise générale, les protestants peuvent aussi faire la fête. Certes ! c’était sûrement le cas du bon roi Henri, avant même qu’il ne devienne catholique dans les circonstances pré-citées.

Ensuite la parole est passée aux conférenciers de la table ronde. Fort intéressante fut la présentation de Patrick Cabanel (laïc mais pas laïcard) qui nous indique que la Réforme est accusée maintenant d’être un retour à d’anciennes erreurs : vaudois, huguenots... Et, sans doute pour faire litière de ces accusations, de citer l’exemple de Karl Barth, un théologien protestant qui, en 1934, fut le principal auteur de la Déclaration théologique de Barmen, texte fondamental d'opposition chrétienne à l'idéologie nationale-socialiste. Finalement suspendu de son enseignement à cause de son refus de prêter serment au Führer il fut expulsé d'Allemagne, mais il y a eu pire. Rappelons que dans cette résistance chrétienne au nazisme il y a aussi eu Monseigneur von Galen, le lion de Münster, et surtout Sophie et Hans Scholl, qui avec Alexander Schmorell (la Rose blanche) ont été, pour cela, décapités à la hache. Mais le point d’actualité soulevé a été la thèse développée par Régis Debray dans son nouvel essai “Le nouveau Pouvoir” qui parle de “protestantisation” de la France avec notamment “la bombe démographique néoprotestante” (les évangéliques) dans les banlieues.

Ce qui est piquant c’est que cette thèse, quelque peu controversée, a été relayée de façon véhémente par un autre des conférenciers, Paolo Ricca un théologien italien protestant ou, plus précisément, un membre de l’Église vaudoise – issue de la prédication de Valdo ou Valdès, qui fut excommunié en 1184 et qui peut être considéré comme un précurseur de la Réforme. Soutenant mordicus, avec un long développement à l'appui, que l’église catholique tout entière avait été complètement “protestantisée” il ajoutait, assez logiquement, que le pape François lui-même était un protestant, ce qui pour un jésuite comme lui serait une évolution de carrière plutôt déconcertante.

Monseigneur Markus Dröge a parlé bien sûr comme un évêque, mais une note émouvante a été ajoutée par la révérende Gwenaël Bouvet, qui revenant aux propos tenus sur Max Weber et la proximité de l’esprit protestant et du capitalisme a déclaré : “le capitalisme on s’en fout” moi, mon corps de métier (cf. le corps du Christ) mon boulot, c’est de faire savoir à vous tous que Dieu vous aime et de vous parler de l’amour de Jésus.

Il y aurait beaucoup plus à dire pour rendre compte de ces deux heures de conférence, mais en plus de tout cela, nous avions la chance d’avoir avec nous dans l’assistance le pasteur Alain Joly, de l Église luthérienne de Paris, qui a bien voulu nous faire profiter de ses réflexions, qui constitueront la deuxième partie de cet article. Lire ci-dessous :

A quoi sert-il de commémorer les 500 ans de la réforme ? En 2017 les chrétiens protestants et catholiques ont marqué, avec plus ou moins d’intensité et de convictions, l’anniversaire de la diffusion, par Martin Luther, de ses 95 Thèses contre le commerce des indulgences. Quoiqu’il soit un peu excessif de considérer qu’en 1517, déjà, Luther fut un réformateur (alors qu’on était seulement aux prémices d’un formidable mouvement établi à partir des années 1520/1530) revisiter les enjeux soulevés par la Réforme permet probablement de rendre plus lisibles et mieux acceptés les protestantismes désormais présents dans le monde entier. Les Français en ont souvent la perception d’un christianisme minoritaire et cependant influent dans les sphères de la politique et de l’économie. Au sein même de la chrétienté, la Réforme à voulu revenir à l’origine évangélique de la foi, car elle fut d’ordre religieux. Déjà, dans ses thèses de 1517, Luther voulait remettre à l’honneur le Christ et l’Évangile. C’est là encore l’essentiel et particulièrement pour les chrétiens de 2017. Des actes posés publiquement en ouverture de la commémoration ont bien montré cette convergence sur l’essentiel lors de l’invitation que la Fédération luthérienne mondiale fit au pape François de célébrer et s’engager ensemble le 31 octobre 2016 à Lund en Suède.

Mais la rupture religieuse, non encore complètement résolue, a aussi des conséquences sociales. En catégorie de pensée luthérienne, de sa liberté reçue de la foi au Christ, le chrétien devient personnellement responsable. Si les protestantismes et pas seulement celui initié par Luther, ont porté les moteurs de la modernité, comme Max Weber en explicitait jadis la théorie, il leur faut assumer une mission envers le monde et lui offrir une remise en question de la tradition chrétienne en particulier une nouvelle vision du sacré. Les intervenants à une table ronde organisée à la Maison Heinrich Heine ont évoqué un génie propre à ce christianisme, qui serait fondé sur l’enseignement de Luther. Le dynamisme du concept de l’homme, devant Dieu et devant son prochain, (en latin : coram Deo, coram hominibus) ouvre à cette nouvelle manière d’expérimenter le sacré : chaque personne peut vivre le service du Christ dans la vie citoyenne, de chaque jour, et au cœur du monde. Mais en réalité les protestantismes historiques sont vraiment dépassés par les communautés évangéliques (Evangelical church) plus nombreuses à la longue que les Églises classiques. Leur présence au monde peut devenir tout autre chose car les références des courants évangéliques ne sont pas forcément celles des réformes du 16ème siècle et, loin s’en faut, de leur héritage. En contexte chrétien l’une des limites du 500ème anniversaire est le constat embarrassant de l’émergence d’un protestantisme inattendu et qui a modifié le paysage œcuménique, jusque dans les relations bilatérales obligées à venir au-delà des partenaires multiséculaires. Les enjeux soulevés par la condamnation de la Réformation (au vrai il vaut mieux dire les réformations) nécessitent des lectures théologiques, économiques et socio-politiques. L’esprit de la Réforme était une passion infinie pour Dieu. Aujourd’hui de prétendue néo-protestantismes sont en réalité des humanismes qui, à l’exception considérable des églises évangéliques, se passent volontiers de Dieu.

Alain Joly et Frédéric Sausse

Le Pasteur Alain Joly – Le Pasteur Joly et le Docteur Mamo – Le Pasteur Joly avec Georges Kriss et Bernard Guyot

Le Pasteur Alain Joly – Le Pasteur Joly et le Docteur Mamo – Le Pasteur Joly avec Georges Kriss et Bernard Guyot

Tag(s) : #Article de presse
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :